Mais l’article vire franchement à la manipulation quand il tente de donner un coté scientifique à sa démonstration avec un résumé des résultats électoraux de Vénissieux et Villeurbanne depuis 2014. On le sait, on peut faire parler les chiffres… Et là, les graphiques sont fait pour justifier ce que le journaliste avait décidé de dire, quitte à omettre, déformer, masquer…
Le graphique veut démontrer que LFI est la seule force légitime à gauche et qu’elle va donc attaquer les maires de gauche des villes populaires [1]. La manipulation est grossière mais efficace dans le graphique qui semble dire que LFI est la seule force significative dans les banlieues populaires.
Sauf que le graphique assimile le résultat aux législatives de la gauche dirigée par LFI au seul résultat de LFI, et qu’à l’opposé, LFI n’est pas incluse dans la gauche rassemblée aux municipales, ni aux régionales où communistes et insoumis étaient ensemble. Dans les élections présidentielles de 2017, Jean-Luc Mélenchon était le candidat des insoumis et des communistes, et aux européennes où la gauche n’est pas rassemblée, il y a le résultat de LFI d’un coté, comparée à la seule force de gauche arrivée seconde, sans le total de gauche !
Bref, c’est une présentation graphique qui fabrique une lecture « présidentielle » de toutes les élections, omettant les différentes alliances, déformant les résultats [2], et masquant totalement les réalités locales pour justifier le discours « LFI à la conquête des banlieues lyonnaises ».
Ainsi, tout le monde sait que la situation est très différente entre Villeurbanne, ville historiquement socialiste, ou la compétition entre socialistes et écologistes ces dernières années a été forte, et où l’ancien maire socialiste s’est affronté avec le candidat insoumis du NFP aux dernières législatives, avec Vénissieux, ville historiquement communiste, ou s’il y a eu à l’époque de Gérard Collomb une forte tension entre communistes et socialistes, il y a depuis un rassemblement large de la gauche qui a résisté à la vague Macron de l’ancien député socialiste en 2014 et 2020, et où l’alliance entre communistes et insoumis est ancienne et constante.
De même, le journaliste semble ignorer qu’aux élections régionales, il y avait une alliance communistes-insoumis, une liste écologiste et une socialiste…
Bref, rien en pratique dans les résultats ne justifie d’isoler LFI du reste de la gauche, en tout cas à Vénissieux, ce qui conduit à cette manipulation graphique mensongère, que souligne les commentaires de ce graphique qui détaille les déformations :
Cette présentation est bien un choix, un discours partisan donc, et voici une autre présentation qui essaie de montrer la diversité de chaque configuration électorale et qui montre plutôt que la gauche rassemblée se tient bien à Vénissieux, notamment avec la maire communiste Michèle Picard, même si à l’évidence, l’impact des présidentielles est dominant sur les législatives. Mais tout le monde sait que cela s’est joué dans les accords d’état-major à Paris et que Michèle Picard aurait gagné les législatives pour la gauche en 2022 et 2024 si l’accord parisien NUPES de 2022 ne l’avait pas interdit !
Voici un graphique avec les mêmes données, mais qui différencie trois résultats, la gauche sans LFI, la gauche unie avec LFI, et les configurations de LFI parfois alliés aux communistes…
Le journaliste dira sans doute que ce graphique est trop compliqué, mais qui peut croire que la situation politique est simple dans la crise démocratique profonde que connaît la France… et la gauche ? Rappelons que unie ou désunie, depuis 2014, la gauche ne dépasse pas en France un tiers des exprimés, un quart des inscrits, et donc ne risque pas de gouverner !
Le reste de l’article est à l’avenant. A Vaulx-en-Velin, il revient sur le drame du chemin des barques, cet incendie dans une allée squattée par le deal avec plusieurs morts. Le député insoumis aurait dit avoir signalé le point de deal à la préfète. Mais il sait bien que ce point de deal installé depuis des années était connu de tous ! des riverains à la police, au maire et à la préfète ! Mais cela permet d’installer la candidature annoncée de LFI contre le maire dans un populisme que le même journal dénoncerait si c’était une déclaration d’extrême-droite. On peut évidemment trouver des déclarations du RN ou de LR affirmant avoir alerté eux aussi sur ce point de deal. Et alors ?
En fait, c’est pour introduire l’idée que « dans la ceinture rouge et rose de l’agglomération lyonnaise, le parti de Jean-Luc Mélenchon peut envisager de jouer sa partition en solo, avec le double avantage de gagner des grands électeurs pour les prochaines sénatoriales et de peser dans les négociations globales entre les forces de gauche. ».
Mais s’il faut tenir compte à Vaulx-en-Velin que la gauche avait en 2020 une liste dirigée par les communistes face au maire actuel, ce n’est pas le cas de Vénissieux qui est toujours restée, communistes et insoumis ensemble, bien ancrée à gauche !
Pour mettre de l’ambiance, le journaliste invente « Dans le local du PCF de Vénissieux, l’incertitude gagne », alors même que le secrétaire de section lui dit exactement le contraire. « Ici, la gauche travaille bien ensemble, elle a développé les services aux populations, elle a limité les tarifs d’accès aux équipements. Nous voulons tout faire pour continuer ce partenariat, nous allons organiser des discussions. La priorité, c’est d’éviter le retour de la droite et la bascule dans l’extrême droite », rappelant que les militants communistes annoncent la candidature de Michèle Picard pour un troisième mandat.
Et il utilise la classique citation tronquée hors contexte « C’est tellement compliqué sur le plan national qu’on craint un impact sur nous. Nous sommes inquiets de cette ambiance à gauche. Les quartiers populaires, ce sont des quartiers où on tient le coup ensemble », oubliant ce que je disais juste avant comme Serge Truscello « nous travaillons depuis des années en confiance avec les insoumis, et au plan local, tout nous pousse à continuer ensemble »
Bref, on a compris que le journal le monde, journal sérieux parait-il, mais qui est surtout le journal des idées dominantes du pouvoir [3], apporte sa contribution à la division de la gauche. Il connaît mal Vénissieux, nous avons tenu face à la vague macroniste et ses gros moyens en 2014 et 2020, nous avons résisté aux pressions judiciaires de nos oppositions qui perd systématiquement en justice, et malgré les tensions parisiennes entre dirigeants de gauche, les militants communistes, insoumis, écologistes et socialistes se retrouvent dans les batailles pour les services publics, pour le logement, pour l’emploi, et même dans les actions de solidarité internationale !